Trekking Refuge de la Valette - Refuge Les Barmettes (Hauts de la Vanoise)

Date de l'étape : 09 août 2018

Altitude maxi : 2490 m

Dénivelé + : 300 m

Dénivelé - : 400 m

Durée : 7h00

À l'instar des autres occupants du refuge de la Valette, je me levai aux aurores. Confronté à l'air frais, je me préparais déjà pour mon départ. En effet, par choix, le petit-déjeuner n'était pas inclus dans ma prestation de nuitée. Ce qui devait me donner le loisir de partir en avance, moi qui suis lent au démarrage. Je profitais de la faible lumière matinale pour faire le tour des chalets encore endormis et effectuer une série de photos.

À l'heure où la plupart des pensionnaires se réchauffaient dans le chalet-réfectoire avec une boisson chaude, nous étions qu'une maigre poignée à nous éloigner du refuge de la Valette (2590 m). Mon itinéraire du jour consistait à franchir le col du Grand Marchet, descendre dans le cirque du Dard, bifurquer vers le cirque de l'Arcelin et m'élever jusqu'au col de la Vanoise. À regrets, cette étape a connu son lot de déceptions suite à une succession de contretemps.

Le soleil levant étirait ses rayons généreux sur les crêtes et les pics du massif de la Vanoise, prémices d'une journée radieuse. La Grande Casse s'illuminait sous une lueur nacrée et éphémère. Le sentier de départ mène à une cuvette à hauteur du lac de la Valette (2475), puis monte jusqu'au col du Tambour. Une petite sente sous le Roc du Tambour (non mentionnée sur la carte IGN) court le long de la crête, surplombant Pralognan-la-Vanoise 1000 mètres en contrebas. Elle permet de rejoindre le cirque du Petit Marchet par une arête rocheuse où la prudence est de rigueur. Quelques mètres devant moi, un groupe de 4 personnes progressait sur le même itinéraire, au pas ralenti, à faible distance d'un précipice vertigineux. La traversée d'une dalle rendue glissante par un petit ruisseau, laissa statufiée la dernière personne du quatuor. Elle me proposa de passer devant. Une main courante, matérialisée par une chaîne accrochée à la roche, facilitait ce passage délicat. Ainsi je lui montrai, en quelques enjambées, les différents repères où poser son pied à l'aide de la chaîne. Elle me suivit dans la foulée.

En bas du cirque du Petit Marchet (2392 m), un embranchement indiquait en aval la direction pour Pralognan-la-Vanoise via le Pas de l'Âne. Un hors sentier se prolongeait en amont vers le col du Petit Marchet (Nord-Est). Non balisée et non cartographiée, cette piste mérite malgré tout d'être arpentée pour ressentir davantage l'ambiance "haute montagne" et le côté sauvage du circuit, loin des chemins touristiques. Notre groupe improvisé, dorénavant composé de 5 individus, se mit rapidement en route. Légèrement plus haut, il faut chevaucher une barre rocheuse pour basculer profondément dans le cirque du Petit Marchet. Les cascades d'altitude nous accueillent avec vrombissement. Une sente escarpée rejoint des pentes herbeuses qui, elles-mêmes, conduisent à une crête. Nous voilà au col du Petit Marchet (2543 m).

La vue panoramique était merveilleuse et contemplative, mais l'heure ne permettait pas de nous reposer sur nos lauriers. Le ciel se couvrait au loin, au Sud-Est, et l'air se rafraîchissait. À la recherche du meilleur itinéraire pour redescendre, nous suivions des traces qui, au final, ne menaient nulle part - sauf à des gouffres ou à des parois rocheuses non praticables. Ici, aucun balisage, aucune pancarte fléchée. Un groupe en sens inverse nous pointa enfin la direction à prendre. Depuis un belvédère en rive gauche, la grandeur du cirque du Grand Marchet nous faisait face en contre-jour. Amphithéâtre rocheux avec d'impressionnantes falaises de calcaire gris, le site est particulièrement sauvage. Les cascades, issues des glaciers, frappaient l'esprit tant elles sont nombreuses et somptueuses. Elles alimentaient, avec énergie et fougue, le torrent d'Isertan qui traverse le vallon suspendu du Grand Marchet.

Au-delà du col du Grand Marchet, point dominant de ma journée, se hissait la Grande Casse, toute fière, imposante, royale. Pour atteindre le fameux point de passage, il fallait s'engager dans une piste étroite, à flanc de montagne. Les pierres toujours à l'ombre étaient encore humides par la pluie et la grêle de la veille, ce qui encourageait à plus de vigilance. Arrivé en contrebas, me laissant distancer par les autres, je posai pied sur un pierrier. De là, le sentier se partageait en deux : à gauche, il descendait vers l'entrée du vallon, sorte de fenêtre ouverte sur les Dents de la Portetta et la crête du Mont Charvet ; et en continuant dans le pierrier, en face, je pouvais gagner en biais le col du Grand Marchet. Cette solution impliquait la traversée délicate d'éboulis, prenant garde aux traces cairnées, et plus loin la difficulté était de franchir à gué les trois cascades. Le débit élevé des eaux, au plus près des chutes, réclamait une attention extrême, contraignant parfois à me mouiller jusqu'à mi-mollet.

Quittant le secteur des cascades, je repérai une sente remontant au pied des falaises pour ensuite rejoindre en amont le sentier du col du Grand Marchet (2490 m). Quelques marmottes et autres bestioles colonisaient discrètement les lieux. Depuis ce col perché, la vue est immense et totale sur le Cirque et le vallon du Grand Marchet. Hélas, le ciel se brouillait déjà et obscurcissait ce magnifique paysage où seuls les anges peuvent séjourner. Un vent glacial se levait à l'instant. Pour me prémunir de la pluie et du froid qui arrivaient en fracas, j'enfilai ma veste polaire et ma paire de gants, sans omettre de recouvrir mon sac-à-dos d'une housse imperméable. Après m'être restauré de barres de céréales et abreuvé alors qu'onze heures sonnaient, j'étais prêt à reprendre ma quête de contrées vierges.

Tandis que le végétal régnait en maître sur le versant Ouest du col du Grand Marchet, sublimant son vallon et les méandres de son torrent, l'autre versant exposait un environnement très minéral où s'élargissait l'austère cirque du Dard. Dans la perspective du glacier de la Grande Casse (3855 m), cet univers encombré de moraines et parsemé de névés ne s'envisage pas à la légère. La descente dans le cirque du Dard se fait au départ d'un sentier de schistes cristallins, puis sur une piste abrupte et sillonnée par des cairns, le long d'un passage raide considéré comme délicat et sécurisé par endroits par des chaînes. Un groupe d'une dizaine de randonneurs montait en file indienne. À peine avaient-ils rejoint le col que les premières gouttes ruisselaient des ténèbres. Je débutai la plongée en apnée et en capuche, sous une averse désormais abondante. Mon déroulé de pas était lent, prudent, glissant par moments, dérapant ailleurs. Mes bâtons me maintenaient debout, évitant les chutes, me guidant dans ce dédale rocailleux. Une forte fatigue me submergeait vite, à force de multiplier les flexions de jambes et de sautiller d'une pierre à l'autre. En une heure, la montagne commençait à se resserrer. Une brume naissante s'invitait peu à peu à la pluie torrentielle. Le relief disparaissait en accéléré. Le sentier se perdait entre amas de blocs et cailloux roulants. Avec pénibilité, je m'approchais du dénouement de ce long parcours, même si la vallée de la Glière restait encore masquée par un voile nuageux et gluant.

Enfin, j'arrivais au passage qui exigeait une attention toute particulière : une dalle rocheuse équipée de chaînes coupait le chemin sur environ deux mètres. En temps ordinaire, aucun péril pour descendre par là ; pourtant sous des trombes d'eau qui voilaient légèrement mes lunettes et qui rendaient savonneuses les différentes prises, il fallait doubler de vigilance. Heureusement, une famille m'avait précédée et, d'en bas, me guidait. Simultanément, ventre collé à la paroi, je devais descendre en marche arrière sur des demi-arceaux et me tenir fermement à la chaîne, seulement orienté par des intonations de voix. Après de grandes enjambées, me voici à la base de ce couloir très technique mais épuisant. Plus loin, sur une sente moins raide à la sortie du goulet, la famille et moi avions atteint une passerelle chevauchant le torrent du Dard, qui dévalait avec frénésie depuis les glaciers de la Vanoise en nous éclaboussant. Le brouillard était si épais que la visibilité était quasi inexistante. À un embranchement où était planté un panneau indicateur (1720 m), la direction à gauche allait vers Pralognan et celle de droite gagnait le bas du cirque de l'Arcelin, pour ensuite grimper jusqu'au col de la Vanoise où était mon prochain refuge. Or, le sentier dans cette direction avait disparu. Une silhouette à capuche surgit de là, soudainement. L'homme nous déconseilla de suivre cette voie par l'Arcelin, qui exigeait de gravir à flanc de montagne, de traverser d'autres torrents qui grossissaient dangereusement et de cheminer sur un itinéraire où le balisage se dérobait à chaque pas.

Réflexion faite, j'ai du renoncer à gagner le refuge du Col de la Vanoise. Des idées extravageantes m'embrouillèrent vite la tête, j'ai du faire le grand ménage pour savoir que faire concrètement : revenir à Pralognan et aller au premier hôtel venu ou me réfugier aux Barmettes pour la nuit. Cette dernière solution était de loin la plus plausible. Le refuge des Barmettes (2010 m) est situé à la sortie du Bois du Creuset, en amont, à l'entrée du vallon de la Glière et du Parc National de la Vanoise. Avant de pouvoir sortir du déversoir à ciel ouvert, j'ai du franchir à gué le torrent du Dard, qui débordait bruyamment en cascade dans les herbages. Une nouvelle fois, j'ai eu la chance de croiser un groupe qui m'a aidé à traverser sur l'autre rive. Puis le passage au-dessus du Nant de la Crépéna (rivière), par une poutre vacillante, me permit enfin d'évoluer sur une piste carrossable, sous une pluie moins forte. En milieu d'après-midi, la démarche oscillante et nonchalante, j'entrai trempé dans le refuge. À l'accueil, on me confirma que des places restaient disponibles pour la nuit. Soulagé, je pris possession d'un dortoir de 8 personnes. Uniquement deux lits étaient occupé ! Après une douche et une sieste bien méritées, je montai à l'étage pour le dîner. La salle de restaurant typiquement savoyarde, en vieux bois avec poutres apparentes, peut contenir environ 40 personnes. Je pris le temps de contacter l'autre refuge pour annuler la réservation, tardivement certes mais nécessaire.

La particularité du refuge des Barmettes est sa terrasse panoramique et sa grande baie vitrée tournée vers la vallée de Pralognan, ainsi que sur les plus beaux sommets de la Vanoise. Ce soir-là, l'horizon avait rapidement blanchi : une mer de nuages emprisonnait toujours le voisinage et empêchait d'admirer les montagnes environnantes. Même le soleil couchant et les animaux d'altitude demeurèrent absents du spectacle. Quelle désolation ! Le changement de refuge à la dernière minute, par obligation, m'imposa de revoir mon itinéraire du lendemain. Sur la table de restaurant, j'étalai ma carte IGN et l'étudiai avec minutie. Je tombai vite de fatigue ; au retour à mon dortoir, je me roulai sans attendre dans la couverture de mon couchage.

Refuge de la Valette - Cirque du Grand Marchet - Refuge Les Barmettes (2010 m)

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