Trekking Refuge du Bois - Refuge d'Entre le Lac (Hauts de la Vanoise)

Date de l'étape : 12 août 2018

Altitude maxi : 2609 m

Dénivelé + : 1140 m

Dénivelé - : 465 m

Durée : 7h30

Dernière journée de marche sans l'avoir prémédité. La première partie de l'étape aurait du s'accomplir initialement la veille. Or une fatigue grandissante et persistante avait limité mon tracé depuis le refuge du Grand Bec. Il était à peine 8 heures quand je quittai le refuge du Bois, les épaules chargées et le pas encore engourdi.

Le hameau authentique du Bois, sur la commune de Champagny-en-Vanoise, était encore endormi ; pas âme qui vive dans ces ruelles plongées dans l'ombre matinale. J'évoluai seul et en silence. Quelques pas suffisent pour longer l'église Saint-Clair de style baroque, typique de l'architecture savoyarde. À la sortie du bourg, un sentier de découverte et d'interprétation, dit Sentier des Gorzderés, est aménagé pour des balades familiales à travers l'ancienne vallée glacière de Champagny-le-Haut, entre les hameaux « Le Bois » et « Friburge ». L'itinéraire est labellisé "promenade confort". Ce qui implique peu de dénivelé sur une piste carrossable. J'arrivai facilement à Friburge (1510 m), petit hameau aux ruelles très étroites et habité seulement l'été. Il est bordé par les eaux tumultueuses du Doron de Champagny dont le débit dérangeait à peine ce lieu paisible et hors du temps moderne.

Je fis une courte visite à la chapelle Notre-Dame-des-Grâces, près d'une route goudronnée ; son toit en lauzes évoque l'austérité du milieu montagnard. Je récupérai un autre sentier pédestre plus loin, en remontant le lit du torrent, toujours propice à l'observation de la faune et de la flore. Progressivement, les versants des montagnes se rapprochaient et, dominée par le sommet du Grand Bec et fermée par un verrou glaciaire, la vallée pastorale se rétrécissait à chaque pas.

Finalement, je gagnai le Laisonnay d'en Bas, hameau se résumant à un large parking, encore peu fréquenté à cette heure précoce. De là, accès rapide au hameau du Laisonnay d'en Haut (1590 m) et à son refuge. Me voilà au fin fond de la vallée de Champagny-le-Haut, à la lisière du Parc national de la Vanoise. L'endroit est cerné par des sommets de +3000 mètres : sommet de Bellecôte, glacier du Cul du Nant, sommet du Grand Bec, col de la Grande Casse, glacier de la Grande Motte, etc. Entre les deux Laisonnay, un sentier serpente rive gauche de la Cascade du Py, par une franche montée. La Cascade du ruisseau du Py, belle chute d'eau au débit très abondant, est impressionnante par le bruit et la force qu'elle dégage. La pente était raide, elle offrait pourtant de magnifiques points de vue sur un paysage végétal à sa base et minéral au niveau des arêtes. Le vallon de Champagny-le-Haut s'allongeait et s'élargissait vers le Nord, sectionné par le Doron à la cadence effrénée. Vers le Sud, la contemplation grimpait le long d'un sentier de glaciologie finissant à Tignes Val Claret. Arrivé au-dessus de la cascade, la piste s'atténuait graduellement et se poursuivait en suivant le ruisseau du Py. Je fis plusieurs arrêts pour souffler, me restaurer et prendre des photos en cascade.

Environ une heure après, en cheminant sur des prairies alpines, le refuge de Plaisance (2170 m) était dans ma ligne de mire. Niché dans un vallon verdoyant de La Vallaisonnay, orienté plein Sud, il est constitué de deux chalets Chaloin. À gauche c'est le réfectoire et la cuisine ; celui de droite, un dortoir de 38 places. Une halte s'imposa alors à la terrasse. Je sortis de mon sac un Tupperware que je remis au gardien. Agnès du refuge du Grand Bec m'avait remis la veille, au matin, un cadeau pour Plaisance. Je compris que certains gardiens de refuge utilisent les randonneurs comme intermédiaire (ou pigeons voyageurs) pour échanger leurs spécialités culinaires. Là, c'était un gâteau à la noix de coco. J'en mangeai un morceau en guise de récompense. Le refuge était celui où j'aurais dû dormir la nuit dernière ; son annulation a été un crève-cœur. Je l'avais sélectionné pour son panorama exceptionnel sur les sommets mythiques de la Vanoise : le Grand Bec, les glaciers (Troquairou, Volnets, Grande Glière...) et les Pointes (Vallonnet, Volnets, Grande Glière...).

J'aurais voulu rester davantage dans ce paradis terrestre. Hélas, il fallait reprendre mon aventure et continuer en amont du refuge de Plaisance, surplombant le cirque du Cul du Nant. Mon pas s'alourdissait de plus en plus, je m'épuisais à chaque dénivelé positif, freiné par un sac-à-dos devenu conséquent au fil des étapes. À hauteur d'une étendue plane, un marquage indiquait la limmite du Parc de la Vanoise. La traversée d'un ancien lac glaciaire, aujourd'hui à sec et occupé par des troupeaux de vaches, conduit au col du Plan Séry (2609 m). Le col relie la vallée de Champagny à celle de Peisey-Nancroix, davantage au Nord. Dominé par la Pointe de la Vallaisonnay au Sud et le Grand Tuf du Plan Séry au Nord, la vue s'ouvrait au loin sur les sommets glaciaires du Mont Pourri et du Dôme de la Sache. La pénible ascension depuis le Laisonnay d'en Haut prit fin. 1100 mètres accomplis en sept heures environ, reflet d'une lente agonie. Je débutai la première descente de la journée, salutaire et tranquille. Un itinéraire balisé menait à une intersection (2320 m) où je m'effondrai exténué. En aval, le chemin se prolongeait jusqu'au lac de la Plagne, blotti au pied du Dôme de la Sache. Son refuge se laissait entrevoir au creux d'un pli. L'intersection s'élevait en pente régulière à droite vers le refuge du Col du Palet, en deux heures de marche, destination du jour. Or, perché au milieu de nulle part, cerné par de hauts sommets et à l'orée de deux directions, je pris une décision délicate, irréversible.

J'avais de moins en moins de force dans les jambes pour progresser au-delà ; mon mental était si faible que je devinais que les deux heures se seraient vite transformé en trois ou quatre heures avant d'atteindre le refuge du Palet, autrement dit une arrivée au cours du dîner, voire après. Les jours suivants ne seraient pas plus bénéfiques sans un repos forcé. Le mieux était de finir ici mon épreuve pédestre. J'avais déjà effectué les deux tiers de mon circuit, au départ de Pralognan-la-Vanoise jusqu'à une autre porte du Parc national de la Vanoise. Cela représente la traversée de plusieurs vallées et des vallons, le franchissement d'au moins cinq cols de +2400 mètres et des dénivelés oscillant entre 1500 et 2600 mètres. Aucune honte à rougir avec de telles altitudes, évidemment qu'il est toujours possible de faire mieux ou différemment ; ces péripéties restent un exploit personnel sans vouloir me comparer à d'autres qui auraient davantage une meilleure forme physique. Laissons l'émotionnel et mon orgueil de côté pour savourer l'instant présent, aussi imprévisible soit-il.

Cette position me rassurait ; l'idée de découvrir un nouveau refuge alpin m'enchantait pleinement. Le refuge d'Entre le Lac (2145 m) est reconnaissable de loin par le drapeau de la Savoie qui flotte à ses flancs. Ancienne bergerie aménagée en refuge d'une capacité de 40 couchages, au bord du lac de la PLagne, il est situé sur le sentier du GR5 et fait face au Dôme de la Sache. Des lits étaient encore disponibles pour la nuit, je profitai de ma venue à l'improviste et en avance pour tremper mes pieds dans le cours d'eau passant aux abords du refuge. L'eau était glacée mais dynamisante ! Pour me rafraîchir le gosier, je pris une bière et la dégustai en terrasse devant le lac de la PLagne, contemplatif. Deux vaches laitières de race tarine, pensionnaires du refuge, allaient et venaient sur l'herbe grasse, permettant ainsi de proposer quotidiennement des produits laitiers frais. D'autres animaux de ferme, poules, coqs et oies, se baladaient en liberté dans ce havre de paix affichant des belvédères exceptionnels sur les sommets. À ce moment, j'ignorais si mon choix d'interrompre était le bon. Au dîner dans une salle voûtée, je fus attablé avec un couple de retraités et une famille croisée au Plan Séry sous le col éponyme. Les échanges conviviaux nous ont amenés à prolonger notre cordialité autour de jeux de société. En début de soirée, un bouquetin s'est aventuré au-dessus du refuge. Lieu idéal pour observer la faune des Alpes, entre le plat de résistance et le dessert ! Ces nouvelles connaissances, ainsi que l'observation des animaux de montagne, ont atténuées, ne serait-ce que quelques heures, mon infortune et mes désillusions, avec un arrière-goût d'inachevé sur Les Hauts de la Vanoise.

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Refuge du Bois - Col du Plan Séry - Refuge d'Entre le Lac (2145 m)

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